Les Cahiers Rouges

J’attends l’ombre

comme un jardin

le feu est sans escorte

les moustiques sont au soir

hautes veilles transparentes

devant les crabes

comme des rivières

le vent est

au guet dans les cailloux

 

Aux caravanes de l’automne le ciel a ouvert ses portes

et ce sont des silences couchés sur la poitrine

étapes de sang aux angles de pierres

et ce sont les nuits sur nos cheveux

horizon violet là où tombent les volcans

comme ces bulles de lumière qui se sont établies

sur les arbres debouts

 

Comme deux lutteurs

au paroxisme de la pierre

le soleil dans son cri de gradin immobile

et cette plaie de voile déchirée

le sang élève ses oiseaux

lui-même aux portes de veuvage

 

L’oiseau silencieux et rude

face à la colline

son bec attentif

au mouvement de l’astre

 

Cigale astre cassé

vers les côtes de granit

tendues de troupeau épais

les marées crânes peints

aux percées de fièvre

peuple de gale

sous les paroles de la feuille

dans la poussière des chaumes

 

Le roi fut démantelé

comme une semence de sapin

les glaciers en armes s’apprêtent

pour prêcher la croisade

l’astre donne le sceau

et le peuple sort du fleuve

 

Aube profil déjà mort

aux chemins de haute montagne

et voici que l’horizon se délace

vers la tranche des armes

et l’astre est là

 

Aube d’été

frelon dans la nuit

iceberg orageux

sur la plaine sans racines

et sans oiseaux

les pierres grises

 

Nuit comme un chevalier tué dans son armure

et ses flottes en haute mer

brouillards vendus sur le forum

 

Et le printemps est là

comme une courtisane dans sa chambre

à l’heure où les cloîtres

à l’heure où les mains se cabrent

et les versets décident les nuées et les luisances

à l’heure où viennent les orages

comme des peintres inconnus

toute cette indolence qui s’étire aux cédules

et la cascade comme une huile

le dernier chapitre nous enlace

le matin se gonfle

je ne suis qu’un souffleur de verre

dans le vent salé

 

L’automne chavire troupeau sans ailes

aux marches de silence

l’aveugle fut couché dans le glacier

et l’enceinte pleine de mains coule

mélopée des écluses aiguisées vers le soir

 

O rivages de mon sang

comme une grêle de sable

les orgues de l’autel

chalands de feu

ciel en rade pour la nuit

vers le phare

comme un homme parlant debout

 

Les corbeaux sont venus

mourir dans nos armures

la ville en feu parlait

du cou des femmes

au loin

des troupes stupéfaites

s’arrêtaient grises

vers la mer née comme un pillage

 

Marées sans bagages

ces visages murés de bronze

époques où la mort est de retour pour midi

à ce moment votre regard

colonne de marbre encerclée d’échos

et d’épaule à épaule

ces terres uniformément brûlées

 

Et la mort

bouche ouverte dans le miroir

grand insecte de violon pur

La statue levée

vers les animaux de grès

et les vents

sans voiles et sans dieux

 

Elle vieillissait

comme une bobine de soie blanche dévidée

vague après vague

du côté Custom du soir

très mince chrysalide

à la quête d’une opale

quelle pierre resterait

au fond de la cage ?

 

Cercles de cuivre

pour les Aulnes

le sang adonné à la pierre

et vers la haute mer

se lève la troupe

pierre couchée dans les ouïes

et déjà aux lisières

le soleil endosse sa parole

 

Etang comme un woos bourg sans clocher

et le soleil est couché

aux livres d’antiques pétales

de grandes femmes nues se dorent

parmi les œufs du cimetière

 

Ce château immobile et nu

levé sur l’île de bois

ainsi qu’un visage enveloppé dans ses ailes

tout autour du vent jaune

des femmes meurent au loin

au long des boulevards de grès noir

les amarres parlent

 

Les miroirs hauts frappés

mûrissent

parmi les veines

au dos du temple

l’agenouillé

face aux œufs de fer

 

Ainsi que ces courtisanes

le pas suspendu aux marches

où dorment les chiens faméliques

 

Sans crainte

la nuit s’est noyée

dans sa cire pâle

 

L’aube suspendue à la hanche des cavaliers

et ce cri venu jusqu’à la montagne

quand les filles de la falaise

vers la haute mer

vont à la rencontre des prêtres

 

Aube   pieu poli allant vers l’étang

la main majeure

est belle d’un baiser de roi

aux chasses de hautes courses

les rendez-vous de haute mort

 

Le ciel s’est déchaussé

comme le vent

sur l’aire des sables

et la nuit se méprend

à la croisée des berges

le fleuve est plein de cendres

l’astre au fond des couloirs

écoute

les échos de sa lèpre

 

Mandibules de l’orage

et l’aile s’écroule

sur les statues de feu le sel mûrit

au masque du ressac

 

Et le timon grelottant

sur la pierre creuse

d’un coup de soleil

et la pierre obsédée d’images

très lourd ce poids lié

à l’orée délirante

mais le vaisseau prend feu

et le roi reste seul

avec son lent combat presque caché

dans les sables

les premières danses de ville sans défilés

vers le balancier phosphorescent

les victuailles d’aube rousse

 

Forêts écrasées the de folies

pierre aberrante

et l’oiseau millénaire

les pattes pétrifiées

son chant incendiaire

 

En ces drapeaux défaits

l’aube immobile

sur les oiseaux poussiéreux

les terrasses de la ville

et ces masques d’os clairs

près de la tour de fer rouge

une main de cire mortelle

vieillard écorché

parmi les oiseaux de cuivre

 

Soir comme une tresse étroite

la mort pâle et mince

près des billots de marbre

 

Comme un esclave qui revient

avec les Team mains comme des rigoles

pour expliquer la nuit

et mettre le feu

aux colonnes de moustiques

les invasions préparent leurs selles et leurs matins

et la force de leurs soleils

 

Tout le silence s’arrête

comme un dieu aux aguets

et la tristesse est là

parmi les bouches désaccordées

comme une paire de ciseaux

 

Et c’est dès l’aube

sur les bois fêtés du pont des puits

le rire fallacieux

des miroirs comme de grands oiseaux

 

La fête frappe le fleuve

et le silence descend les rames

derrière les feuillages

les mains sont vraiment immortelles

près du soir en marche

la lune allaite ses condors

avec l’odeur tremblotante des phosphores

les raies se reposent

à l’ombre des eaux mortes

 

Spectacle de chambre haute

près des marbres debouts

un chevreuil mort

et qui sent l’éther

la tête s’allonge et s’aggrave

comme un galet

dans la cave

le zinc des villes

inexorablement triste

et la mer est là

silencieuse masure

où grincent les paupières

le granit reconnaît la voix

 

L’ange à l’entrée de la grotte

comme une arbalète plantée en terre

 

L’aube part à la dérive

en ces haillons bleus

du côté des digues

les voiles pourrissent

les méduses s’enlacent

aux pierres crispées

des bas-reliefs

terres filantes

vers un murmure

le fouet du soleil

à la bouche des esclaves

et les otages criblés d’étoiles

 

Nuit incertaine mante ouverte sur une robe de bal

 

Et les insectes faméliques libérés

défont

bruit sec aux muables ailes

vers les fruits temples d’os

et les temples d’or

sur leurs lits de mort

croissance de poings

dans les noires terres

ce nœud rompu et plongé

aux champs de l’aube

 

Cette fête

bouc aveugle décollé

et trempé dans une jarre de vin

rêvant son rêve de cadran solaire